lundi 1 août 2011

Deux époques

En 1951, ma valise s'est faite la veille au soir avant mon départ, à la dernière minute. J'étais fébrile.
En 2011, je suis aussi fébrile du départ et ma valise s'est faite la veille au soir...

Avant, je partais pour un terrain inconnu, de l'autre coté de l'océan. Le Canada. Pays beaucoup trop vaste pour le gars de campagne que j'étais.

Maintenant, je retourne en terrain plus que connu, mais autant émouvant, revoir mon enfance et mon adolescence: Enschede, Amsterdam, la ferme Boers...

Il y  a 60 ans, j'allais apprendre le français et découvrir le Québec.

Aujourd'hui, ma première langue coule naturellement et rapidement. J'en oublie même de reparler en français quand je téléphone ma femme et mes enfants au Canada.

Je suis en vacances pour deux semaines dans mon magnifique pays qu'on appelle la Hollande... Je vous raconte tout à mon retour.

mardi 12 juillet 2011

Une rencontre qui fait du bien

Au tout début du voyage dans le SS Washington, je me suis lié d'amitié avec une famille d'allemands qui devait débarquer à New York. Je les avaient entendu parler allemand dès mon arrivée sur le bateau. 
C'était bien les seuls que j'ai compris dès le début!


Dès le premier souper, nous nous sommes assis ensemble à la table. Nous avons fait connaissance.
J'ai passé toute la traversée avec eux. Ils étaient très aimables et moi et j'étais très content d'avoir de la compagnie sur le bateau. Et le SS Washington était rempli de divertissements: pétanque, piscine, etc. Alors, nous en avons bien profité!

Mes nouveaux amis arrivaient à me détendre, et une chance! J'étais tout de même un peu stressé face à mon arrivée au Canada. J'imaginais un pays de cowboys!  



lundi 20 juin 2011

Ça serre en dedans...

Lorsqu'on voit notre grande soeur, Tony, grimpée sur la clôture du quai, notre père et notre frère tout près d'elle, ça serre. ''Ça serre en dedans.''


Les adieux sont difficiles d'en haut, de cette promenade du bateau. Je les regarde s'éloigner. Ou plutôt, je les vois devenir de plus en plus petits, mais c'est moi qui m'éloigne.
C'est là qu'on réalise qu'on ne peut revenir en arrière. Qu'on est seul dans une aventure trop grande pour soi. On se sent triste, inquiet...

...

J'observe et j'écoute les gens autour. Seul. Des familles voyagent ensemble, des amis aussi. Je ne comprend rien de ce qu'ils disent. Français, polonais, italien...
Je décide de redescendre sur le pont.

- Guten tag.
Je ne suis pas si seul après tout.


samedi 4 juin 2011

D'Hendrikus à Henri

Les derniers jours en Hollande, en on été de grands va-et-vient.

Je devais aller remettre mes papiers, mes permis, mon pistolet aux autorités douanières avant de partir.

La seule façon que je puisse voir mon père avant de partir était qu'il me rejoigne après les douanes. Je n'avais pas le temps de repasser par Enskede pour dire au revoir à tous le monde.

Mon père m'a rejoint à Zwolle, la station centrale de la Hollande. De cette station de train, il était possible de partir dans tous les coins de la Hollande.
De là, mon père a transité vers mon train et est embarqué dans le même wagon que moi.
Nous avons fait la route vers Amsterdam ensemble, rejoignant Jean, mon frère qui nous conduirait jusqu'à Rotterdam, le lieu d'embarquement pour Halifax.

Rendus à Rotterdam, nous sommes aller rejoindre la procure des prêtres de Sacré-Coeur, où ma valise en bois était déjà prête. Les prêtes prennaient soins des préparatifs et de ma valise. Ils s'étaient assuré qu'elle se rendre à Rotterdam et qu'elle se rendrait dans le bateau et à Halifax.
Ces prêtres allaient être mes hôtes, mes amis et mes professeurs pour les prochains mois au Québec.
Ils m'ont raccompagné jusqu'au bateau.

Moi, je n'avais que ma valise à main et mon ticket d'embarquement.

Il était à 5h00. Le bateau décollait dans quelques instants. Nerveux, après avoir dit au revoir à mon père et à Jean, mon frère qui nous avait aussi rejoint à Amsterdam, j'ai monté les marches du bateau.

Je me suis rendu au troisième deck de la promenade pour observer la Hollande, mon pays, une dernière fois avant mon départ.

De là, j'ai pu voir ma soeur Tonny, au côté de mon père, qui avait réussi par chance à arriver juste avant mon départ.

Je lui ai fait des signes de la main, j'étais très content de la voir si près. Mais, elle était pourtant déjà si loin...
Je ne sais pas si elle m'a vu et qu'elle a su que moi, je l'ai vu, elle était tellement petite sur le quai, à coté de mon père et de mon frère.

Le bateau est alors parti. C'est ainsi que, moi, Hendrikus, je suis devenu Henri.

lundi 23 mai 2011

L'allaitement

Après quelques temps au Canada, j'étais installé tranquillement dans la communauté de mon frère Herman.
Je ne parlais pas vraiment français et mes phrases, si on peut les nommées ainsi, étaient ponctuées d'hésitations, de mots hollandais ou encore de grandes pauses... J'essayais de me débrouiller du mieux que je pouvais et je comprenais de mieux en mieux les gens. C'était tout de même un grand effort constant pour y arriver.

Une des premières fois où j'ai vu Marie-Ange, ma femme, c'était à un grand souper avec la communauté du presbytère. 

On était plusieurs autour de la table: l'Êveque, plusieurs prêtres dont mon frère Hermann, Marie-Ange ...
et après le souper, on nous servit café et thé autour de la table.

- Henri, va nous chercher les cigares à l'étage, il est temps de fumer! dit mon frère.
(Dans ce temps là, les hommes fumaient encore des cigares après le souper)

Je répondis donc que cela me ferait plaisir. Puis, j'ajoutai, très fier de pouvoir le dire en français et ainsi parler à la belle demoiselle:
- En attendant que j'y vais, Marie-Ange, Allaites-moi donc svp!

Une vague de rires submergea la table, et j'ai compris que je n'avais pas dit le bon mot. 

De là, Marie-Ange a décidé de me donner des cours de français pour parfaire mon vocabulaire...
Et ce fut le début d'un grand amour.

mardi 10 mai 2011

L'occupation était devenue réelle

La 2eme guerre mondiale est arrivée le 5 mai. Nous étions envahis par l'armée allemande puis le 10 mai, l'armée hollandaise a capitulé et l'occupation était devenue réelle.

En hollande, le service militaire était obligatoire à l'époque et j'en faisais déjà partie depuis un certain temps. Les allemands ont alors récupéré les forces hollandaises. Le but était de faire travailler nos hommes à creuser une tranchée ou faire des digues en cas d'inondations créées par les bombardements des Alliés.
Oploo

J'ai donc été enrôlé par les Allemands. Mon régiment était stationné à Post Oploo dans la province de Limburg. Arrivés par train, nous avions plus de 45 minutes à marcher pour arriver à destination.

C'est à ce moment que mon uniforme a changé. Ils nous ont remis notre uniforme: vert foncé... pantalon de cavalier, des bottes de cuir complètement à l'épreuve de l'eau.

Les jours se suivaient... drille militaire et exercise de toute sorte...
Jusqu'au jour, où nous devions être transférer en arrière ligne, la où les problèmes commenceraient...

(voir As-tu peur?)

lundi 2 mai 2011

Mon premier vote canadien

Après mon arrivée au Canada, j’ai eu droit à des règnes démocratiques variant d’une élection à l’autre entre rouge et bleue pendant plus de 60 ans. À partir de 1957, j’ai eu ma citoyenneté canadienne et en 1958, c’était ma première élection. Je m’en souviendrai toujours.

Je ne connaissais pas grand-chose de la politique d’un pays démocratique et encore moins la structure électorale. Mais, c’était mon devoir et mon droit acquis de voter et j’étais fier et bien heureux de pouvoir le faire. J’avais donc décidé de voter libéral, ils avaient l’air bien!

Je gardais contact avec mon père et lui écrivait fréquemment depuis mon arrivée. Je lui ai  donc écrit pour lui faire part de mes intentions de vote.

Les élections ne vont pas tarder. Je pourrai voter pour la première fois cette année. Je voterai rouge...

Rapidement, j’ai reçu une réponse. À la lecture, ses écrits m’étonnèrent sur le coup. Avec grande révolte, il m’interdisait de voter rouge.  Il n’était pas question que son fils vote pour un parti communiste!!!
Après lui avoir répliqué que le parti rouge ici, était loin d’être communiste, mon père a accepté que son fils vote rouge.

J’ai voté fièrement à chaque élection. J’ai fait mon devoir de citoyen canadien avec grande fierté que ce soit au fédéral, au provincial et au municipal.
Je le ferai encore aujourd’hui.

samedi 23 avril 2011

Profession: Douanier

L'année 1950.

Profession: Douanier.

Ce temps a été pour moi, un très beau temps. J'ai rencontré des confrères qui sont devenus des amis. Je me suis même fait des amis de l'autre côté de la frontière, en Allemagne  J'ai aussi rencontré une Mimi qui m'a tombé dans l'oeil, mais ça c'est une autre histoire.

Ma mère ne voyait pas ça si bien, elle, la douane. Encore une sorte d'uniforme miliaire. Entraînement ''self-defense''. Patrouiller dans le champ à la frontière: le jour, le soir, la nuit. Peu importe la température.
On était armés, soit avec un revolver ou un fusil, semblables à ceux de l'armée. 
Bref, tout pour qu'une mère n'aime pas ça.
 


C'est pourquoi qu'elle demanda à mon frère, Hermann, de veiller sur moi. Il devait partir pour les États-Unis puis vers le Canada. Maman voulait que j'y aille le rejoindre, une fois qu'il y serait installé et qu'il me trouve un endroit où rester et une job.

Quelques temps après, le 13 février 1951, je m'embarquais pour le Canada sur le SS Washington. 




samedi 16 avril 2011

Direction: Lonneker

Mon père était toujours là pour nous gâter. Ce que j'aimais par dessus tout, c'est quand il nous amenait nous promener. Direction: Lonneker.

La famille Reerink dirigeait un petit café-restaurant où on servait ''liqueurs'' pour les petits et grands, mais aussi des repas légers. Mon père y arrêtait souvent pour prendre des petites longues pauses pendant notre promenade.

On n'y rentrait jamais par la porte principale. Ma mère disait toujours à mon père "Johannus! On entre pas par la porte d'en avant".
C'était que ma mère était une brillante femme, elle connaissait son mari et savait qu'on jouait à l'argent aux tables du resto. Pour résister, mieux vaut passer par la cuisine!

Une fois entrés, nous restions en arrière. Il y avait toujours une petite rencontre amicale. On y jouait aux cartes (sans argent, cette fois!). Nous, les jeunes, ont jouait à la cachette dans la grange d'à coté.


Ce fut d'ailleurs bien de la chance que nous restions en cuisine. Grâce à ces liqueurs bien froides, ces parties de cartes et de cachette, nous avons développer des liens d'amitié avec plusieurs familles: Reerink et Boers, entre autres.

Quelques années plus tard, en 1942, ce fut une de ces familles, les Boers qui prirent le risque de m'héberger pour éviter l’enrôlement.

La ferme de la famille Boers, au point A.
A venir: un compte-rendu en détails des cachettes que j'utilisais...

lundi 11 avril 2011

J'étais un petit farceur

Je me suis cachée une bonne partie de ma jeunesse. De 1942 à 1945, oui, je suis resté caché pour échapper aux Allemands.
Mais même avant cela, je me cachais pour échapper à mes soeurs!

J'ai fait mes années primaires à la Koops-School, l'école du coin. Mes soeurs m'accompagnaient à tous les matins pour s'y rendre.

Je ne sais plus si c'était par manque d'intérêt ou pour simplement jouer un tour à ma soeur Tonny. Mais, 
à tous les jours, c'était pareil.  

Sur notre route, il y avait un type de toilettes publics pour hommes de l'époque. J'y courrais. Je m'y cachais et j'attendais. Hihihihi. J'attendais la réaction de ma soeur, toujours la même:

- HENNNNRIII, Où es-tu? criait Tonny.
- Cherche-moi.
- Il faut aller à l'école.
- Cherche-moi. Trouves-moi. Et j'irai à l'école.

Tonny soupirait un coup, puis par défaite, me cherchait. Elle savait bien où je me trouvais. Elle entrait, m'aggripait. Par mon manteau, elle me traînait jusque dans la cours d'école.

Ah, oui. Ce n'était que partie remise... 
J'avais 8 ans et j'étais un petit farceur.

lundi 4 avril 2011

Je me suis donc caché...

Je suis resté caché pendant pratiquement 3 ans, de 1942 à la fin de la guerre en 1945.
Chez la famille Boers, j'étais comme leur garçon et leur frère.

Je n'étais pas à proprement dit toujours caché.
Souvent, un garçon venait nous annoncer que des Allemands se regroupaient au village. C'était le moment, nous savions que sous peu, ils feraient le tour des fermes pour en trouver des gars comme nous.

Nous étions les  six garçons à courir se réfugier dans la grange et attendre qu'ils s'en aillent. Nous avions créé une petite cachette en dessous du plancher, une autre dans des bottes de foin.
Nous attendions une ou deux heures, jusqu'à ce que le bruit s'estompe et que le stress diminue. Un de nous était juif. Lui, il avait encore plus peur que nous. Parfois, on attendait la tombée de la nuit, pendant trois ou quatre heure pour enfin ressortir.

C'était une attente insoutenable, dans le noir et dans le silence.

mercredi 30 mars 2011

As-tu peur?

Les allemands avaient créé une sorte de régime obligatoire de service militaire chez les hollandais... Tous y allaient.
"Nous étions assigner à être déplacer. En arrière ligne."
J'ai eu un congé de 48 heures avant d'aller les rejoindre. Mon père et ma soeur Antoinette ont essayé de m'en faire sortir, mais pas de chance. Obligatoire. En arrière-ligne d'ici 48h.

Je me suis rendu à Enschede, ma petite ville.
Le vicaire est venu me voir. Il m'a parlé et il m'a conseillé de me cacher plutôt. Je devais me cacher seul pour une ou deux semaines. Après, le vicaire essaiera de me trouver une place pour de bon.

Le soir même, Tony, ma soeur avait trouvé un endroit et élaboré un plan de fuite avec le vicaire. Elle a participer à un subterfuge.
"As-tu peur?" a demandé le vicaire.
Tony, franche et solide n'avait pas peur.
 "Voici, ce que tu vas faire..."
Elle devait prendre à ma place le train qui quittait pour l'armée, faire deux stations de train et redescendre, ni vue ni connue. Attendre quelques heures et reprendre un train pour revenir à la maison.

Et moi, je devais me cacher à la ferme de la famille Boers. Monsieur Boers avait déjà quelques garçons de cachés, alors selon ses dires, un de plus, cela ne fera pas de grosse différence...


jeudi 24 mars 2011

C'est le début d'une aventure...

Par un temps froid et humide, où sortir se fait compliqué, où prendre un café ou un petit bouillon fait si du bien, un homme s'est assis à sa table. Il a déposé ses lunettes sur son nez. L'homme a pris sa plume et a approché son petit cahier noir. Il a pris un grand respire et il s'est mis à écrire.

Il a commencé par le tout début, après tout, c'est le plus simple: 5 septembre 1925. 
C'est le début de l'aventure d'une vie. Une naissance, banale peut-être pour certains... 

Mais, le 5 septembre 1925,
Mon grand-papa est venu au monde dans une petite ville de la Hollande. 

85 ans plus tard, Hiver 2011,
Henri décide de nous transmettre son histoire.

Son histoire de vie, d'amour, de guerre, de voyage, d'inconnu, de famille.
De ''dans son temps'' ou ''dans le vieux temps'', comme il dit, à maintenant, il nous écrit sa vie. 

À travers sa plume et ses paroles, ce blog est son histoire, ses chroniques, son héritage.
À travers ce blog, il apporte à ses quatorze petits enfants la possibilité de voir au delà du grand-papa...
Voir l'homme et l'histoire.